Appelons un chat, un chat
A dire vrai, je n’aime pas les chats. Je les déteste. Je hais leurs manies à vouloir coûte que coûte se frotter aux gens et surtout leur miaulement rauque. Ma petite femme elle, elle les adore.
Elle m’a sérieusement boudé lorsque j’ai refusé de lui en offrir un. Le compromis que nous avons trouvé m’arrangeait à peu près. A défaut d’avoir ce petit animal domestique encombrant, elle s’était acheté une petite statue lui ressemblant. Bon, j’ai beau regardercette œuvre d’art majeur, je ne lui trouve aucune ressemblance avec un chat. C’est plutôt un genre de machin-truc sculpté certainement avec hâte dont les contours mal définis lui donnent un aspect difforme. Il ne me plaît pas non plus, mais du moment où il peut me protéger de l’encombrement d’un vrai chat, tant mieux. Ce n’est pas que je sois prévenu contre l’art en général et la sculpture en particulier, mais vous auriez vu ce machin-truc que vous m’auriez sans doute donné raison. Chacun à son opinion sur les chats. Certains les aiment pour leur compagnie tandis que ceux d’en face les adorent dans la sauce. On dit que cuit avec du vin, le chat est un met délicat de choix. Moi quelle que soit sa forme, je le déteste.
Un dicton bien connu dit qu’il faudrait appeler un chat un chat. C’est dire qu’il faut éviter de tourner autour du pot et dire ce qui est comme il l’est. Et ma femme a cette qualité à appeler un chat un chat surtout lorsqu’il s’agit d’un chat. Mais j’en connais qui appelle un chat : petit animal domestique de la famille des félidés qui miaule. Ouf ! J’y suis parvenu. Et ceux-là, c’est les politiciens. Ils ont l’art d’esquiver les vrais problèmes. L’un d’entre eux est allé jusqu’à dire « qu’en politique, on ne résout pas les problèmes, on les déplace ». En d’autres termes, quand ta femme veut un chat, tu lui achètes une statue qui n’est ni chat ni vraiment statue, un type de ce machin-truc qui traîne et qui occupe entièrement l’esprit. Et voilà le tour est joué! Ma petite femme jure qu’il ressemble à un chat, moi je trouve que c’est plutôt un je-ne-sais-quoi. Et là, fini la question de posséder à tout prix un chat. On passe le reste du temps à discuter sur la fameuse et vulgaire sculpture. Sur sa nature, sur le maître d’œuvre qui l’a réalisée, sur ses motivations. Puis sur sa place dans la maison, sur son entretien et blablabla.
Les politiciens ont la manie, comme les chats, de nous caresser dans le sens du poil, nous monter qu’il nous aime, qu’ils se préoccupent de nos maux et surtout qu’ils agissent pour notre bien. Ils esquivent les questions et se perdent dans des conjectures « abradacabrantesques ». Ils jouent avec des expressions curieuses du genre « l’argent travaille « quand nous leur crions que nous avons faim et que nous voulons travailler. Ils parlent de croissance à deux chiffres pendant que le nombre de nos repas quotidiens est passé du triple au simple (mort subite) et que les prix des denrées eux sont passés du simple au triple. Curieuse loi de proportionnalité. On a connu une refondation qui était plus fragile que la première fondation. Les vrais démocrates ont applaudi des coups d’Etat opérés au nez et à la barbe de la démocratie puis on a appelé cela une « révolution des œillets », « sans effusion de sang ». Le « ET et le OU » ont occulté les vrais problèmes de chômage et de manque de repères d’une jeunesse aux abois. Puis quand les armes un soir ont tonné, on a entendu des mots : « Résistance, patriotisme, attaques extérieures, rébellions, Forces nouvelles, nouvelles forces, CNO, com-zone, division » et vlan !
Quand je serai rassasié chaque jour et que je serai sûr de l’être le lendemain et les jours suivants ; quand je serai rassuré que mon petit bonhomme, après sa naissance, ait une bonne éducation et un système qui lui permettra de s’intégrer dans la vie active, quand je n’aurai plus à trimer si dur à m’en casser les côtes pour un minable billet bleu de 2000 f Cfa (3, 05 euros) la journée, je ne prendrai jamais d’armes pour suivre un aventurier prestidigitateur.
Appelons un chat un chat. Nous voulons que vous vous penchiez chers politiciens de tous bords sur les vrais sujets. On n’est pas obligé de tous s’aimer. On n’est non plus pas obligé d’être d’accord sur tout. Mais on peut néanmoins s’asseoir et s’entendre sur l’essentiel. Nous sommes tous concernés.
En attendant, le chat-machin-truc de ma petite femme aura longue vie sur ma table estropiée. Il me permet de refuser de lui acheter un véritable chat pour la satisfaire. J’ai appris à être politicien, en quelque sorte et à mes dépens. Mais nous, ma petite femme et moi, contrairement aux autres, nous savons ce qui est nécessaire pour nous. Nous restons unis et soudés pour contrer le froid la nuit et pour lutter contre cette cruelle vie en entendant la naissance de notre petit bonhomme. Nous, nous ne mettons pas le feu à notre petite maison branlante en bois pour un désaccord sur une question de chat.
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