Pauvreté et chômage galopants en Côte d’Ivoire : chut, l’argent travaille !
Le quotidien ivoirien Le Mandat dans sa publication du lundi 12 aout dernier a révélé que selon l’INS (Institut National de la Statistique), 70% des familles vivants en Côte d’Ivoire ne mangent pas à leur faim. Le Président ivoirien Alassane Ouattara avait tenté d’expliquer cette situation éprouvante pour les couches défavorisées de la société dans son discours de fin d’année en affirmant que « l’argent ne circule pas, il travaille ». C’était en décembre 2012. Et depuis, l’argent est encore au boulot oubliant de circuler au grand dam de nous autres, les gens d’en bas.
Nous sommes dans mon quartier, il est 17 heures. La boule de feu orangée dandine dangereusement sur l’horizon. Ivre de tant d’effort à donner gratuitement de sa lumière et de sa chaleur, le soleil tombe majestueusement dans une agonie sanguinolente. Il jette ses derniers jets ensanglantés de lumière peignant le ciel en un tableau de feu et de sang. Le crépuscule s’installe lentement et une rude journée d’effort tire sa révérence. Je rentre chez moi les mains dans les poches.
Ma petite femme a tout compris à ma démarche. Lente et démesurément nonchalante, elle lui inspire que la journée n’a pas été bonne. Je rentre dans ma tanière la tête basse comme une lionne affamée rentrant bredouille de la chasse. Malgré tout, ma petite femme me regarde et me sourit. La belle rangée blanche de ses dents me donne du réconfort. Je pose ma main sur son ventre. Le petit, notre petit bonhomme n’a pas arrêté de bouger de toute la journée. Il a certainement faim comme moi et sa mère. Je me sens tellement impuissant face à la vie. Mais elle est là, elle me rassure, elle me dit que ce n’est pas bien grave et qu’elle ira manger chez la voisine. J’ai honte. Moi, je dormirai le ventre creux. Je le mérite bien.
J’ai beau tourné, supplié, mais en vain. Il n’y a pas d’argent. L’argent, paraîtrait-il, travaille. Il est tellement occupé qu’il ne circule plus. Il a rangé sa voiture au garage, fermé son portable. Il ne veut surtout pas être dérangé. Il paraît également qu’en ses temps de durs labeurs, il n’aime pas le bruit. Il s’est donc barricadé derrière une porte insonorisée. C’est un bon travailleur. Il fait même des heures sup non rémunérées. Il espère décrocher la palme du meilleur travailleur du siècle. Pendant ce temps, moi je circule à n’en point finir. J’ai moins de chance que l’argent. Je ne travaille pas ou plutôt, je travaille à circuler pour chercher du travail. C’est bien malin de ma part.
Dans mon pays la Côte d’Ivoire, l’argent a arrêté de circuler pour se mettre au travail. En termes plus clairs, il n’y a pratiquement plus d’argent en circulation dans le pays. Le panier de la ménagère s’est dangereusement et outrageusement amenuisé pour se transformer en un vulgaire sachet noir qu’elle utilise pour faire le marché. L’INS (Institut National de la Statistique), organe national des statistiques parle de 70% des familles ivoirienne qui n’arrivent pas à se nourrir convenablement et 60% qui ne peuvent pas se soigner. Les chiffres sont effrayants. Les prix des denrées de premières nécessités flambent sur le marché tandis que de grands travaux d’intérêts publiques se multiplient dans le pays : le 3ème pont reliant Cocody à Marcory, l’échangeur de la Riviera 2 et celui de Marcory qui passe pour être l’un des plus grands en Afrique, le pont de Bouaflé, etc.
Tous ces travaux, c’est bien et beau. Mais quand la population qui sort à peine d’une décennie de crise politico-militaire est affamée par ce fait, il y a forcement de quoi grincer les dents. En ces périodes, essayer de trouver un travail convenable, c’est se lancer à la recherche du saint Graal. Toutes les portes semblent fermées à mes efforts. Lorsque je tente de me plaindre, l’on me répond qu’on ne fait pas d’omelette sans casser d’œufs. Mais dans mon cher pays, en plus de casser les œufs, on tue également la poule. Un dicton bien connu chez nous dit: « un homme qui a faim n’est pas un homme libre« . Je ne suis pas libre, ma femme et le bébé non plus, nous ne sommes pas libres. Nous sommes prisonniers d’un avenir incertain cohabitant avec la faim et le désespoir. Tous nos regards se tournent alors vers le haut. Les politiques tentent désespérément de nous rassurer. Ils parlent d’une certaine émergence à l’horizon 2020. Moi je ne sais pas ce que cela signifie. Je serai rassuré seulement le jour où j’arriverai à nourrir convenablement ma petite femme et le bébé qu’elle porte.
En attendant ce jour , je me couche sur ma petite natte et tente en vain de lire un livre pour me consoler. Je lis et relis la même phrase sans rien y comprendre. Je balance le livre avec force, le peu qui me reste, dans un coin de la maison. Il heurte violemment un verre et le brise net. Je n’ose me lever pour nettoyer. Mon ventre crie famine. Avec autant de bruit qu’il fait, pas étonnant que l’argent m’insupporte et refuse de prendre du repos pour venir me voir lui qui n’aime pas le bruit. Le jour où enfin, il aura un petit congé, j’espère qu’il aura assez de force pour m’envoyer au cimetière et m’enterrer parce qu’entre temps, je serai mort de faim.
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